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Le « naturisme » a aussi
éveillé une grande sympathie parmi les
militants anarchistes, beaucoup d'entre eux étant
devenus de fervents pratiquants de l'une de ses
modalités. Au plan des doctrines, certains ont
essayé de relier les idées de la philosophie
sociale (et individuelle) de l'anarchisme aux philosophies
naturistes. Manuel Rodrigues, un des naturistes libertaires
portugais les plus typiques, écrit en 1924 :
« Le naturisme et l'anarchisme sont des conceptions
philosophiques qui se confondent presque et dont la
réalisation dans la pratique dépend sans aucun
doute du bien-être de l'humanité ».
Il croit effectivement que le combat naturiste
précède, en grande partie, la lutte pour la
réalisation sociale de l'anarchie.Les pratiques du
naturisme furent très variées, mais nous
pouvons les classer en trois catégories essentielles
:
a) l'alimentation, généralement avec le rejet
de l'alimentation carnivore et une préférence
pour les régimes alimentaires
végétariens ou végétaliens, ou,
du moins, essentiellement fondés sur ce genre de
produits naturels ;
b) la santé, avec des cures par des méthodes
naturelles (soleil, eaux, etc.), la croyance en la
supériorité des méthodes de
prévention et en l'interdépendance de
psychique et du physiologique, avec un rejet des
médecines et des pharmacopées officielles
;
c) enfin, l'exercice physique, la gymnastique, qu'ils
tendent à opposer au sport, vu uniquement comme
compétition et comme transfert des visions
militaristes aux périodes sans guerre et à la
société civile.
D'autres domaines
d'activités de propagande proches du naturisme sont
l'anti-tabagisme et surtout l'anti-alcoolisme. Le combat
« contre les tavernes » était
déjà ancien dans la propagande ouvrière
et anarchiste, mais, à partir de 1921, il prend une
dimension entièrement nouvelle avec la constitution
de l'Association antialcoolique ouvrière. [É]
Finalement, un dernier domaine d'intervention du naturisme a
été la protection des animaux qui, dans le cas
présent et avec une répercussion publique
certaine, s'est presque résumé au combat
contre les spectacles tauromachiques. Des associations
syndicales, des organisations naturistes, féministes,
éducatives, etc. s'y sont engagées, formant
même une Ligue contre les corridas en 1924. Mais la
chasse était aussi condamnée ainsi que la
situation d'animaux en captivité.
Toute cette activité naturiste a mis les anarchistes
actifs dans ces luttes en rapport avec beaucoup de gens tout
à fait étrangers au mouvement ouvrier ou
même aux centres culturels populaires de quartier,
pour ne rien dire des milieux révolutionnaires.
L'Association végétarienne du Portugal, qui
avait son siège à Porto, et sa revue « O
Vegetariano » (1909-1935) ont constitué un
véhicule de diffusion de certaines idées
libertaires parmi les adeptes du naturisme. Du reste, son
président fondateur, le docteur Amílcar de
Sousa, sympathisait avec les libertaires et collaborait
à leur presse, et le naturiste libertaire
Ângelo Jorge fut pendant plusieurs années un
des principaux moteurs de cette association. Au sud,
à Lisbonne, il s'est passé à peu
près la même chose avec la
Société naturiste portugaise, animée
par des militants comme José Peralta, même
à une échelle et une importance
incomparablement moindres. Finalement, en matière
d'organisation, il faut noter l'existence de quelques
groupes libertaires d'affinité fondés sur le
naturisme, et la réalisation en 1919 à
Lisbonne d'un premier Congrès
végétarien de la péninsule, dont le
secrétaire fut Luciano Silva et où
l'anarchiste Gonçalvez Correia a
présenté la motion : « Naturisme et
communisme : une alliance sacrée ». [...]
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